Le professeur Jean-Jacques Bienvenu nous a quittés la semaine dernière à l’âge de 68 ans. Sa mort a suscité une vive émotion dans notre Université, celle de Panthéon-Assas (Paris II), à laquelle il était considérablement attaché et pour laquelle il s’est inlassablement dévoué.

L’Institut Michel Villey tenait à rendre publiquement hommage à sa mémoire tant il a accompagné sa naissance et son développement. Membre « historique » du Bureau, devenu ensuite Conseil de l’institut, il ne manquait pas ses réunions, malgré un emploi du temps très chargé. Il y éclairait ses collègues par ses conseils avisés tant sur les projets intellectuels que sur les personnes. Devenu président de la section, puis du département de droit public et de science politique pendant dix ans, il a été un soutien permanent et constant de l’Institut, donnant ici ou là l’aide décisive à un moment où, dans le monde universitaire actuel, la philosophie et la théorie du droit n’ont guère le vent en poupe. Les directeurs de l’Institut savaient trouver en lui l’interlocuteur qui, lui-même ou en faisant appel au président de l’université, permettrait au mieux le règlement des difficultés pratiques sur lesquelles ils butaient.

D’autres que nous, plus proches de l’homme qu’il était, ont su ou sauront mieux décrire, et plus longuement, la personnalité attachante qu’était Jean-Jacques Bienvenu. Mais on peut déjà dire qu’il était à la fois universitaire dans l’âme et le modèle par excellence du juriste-savant, type de juriste universitaire qui se faisait plus rare et qu’il incarnait à la perfection. Ceux qui ont eu la chance de l’entendre discourir dans les Soirées de la salle du droit public qu’il avait créées, entouré et aidé par Benoit Plessix et Norbert Foulquier, savent ce que peut signifier le fait d’avoir des « fulgurances » dans cet art difficile qu’est celui de la pensée juridique.

Jean-Jacques Bienvenu ne se définissait pas comme philosophe du droit. Administrativiste et financier- fiscaliste, il maîtrisait déjà deux spécialités – ce qui est devenu rarissime de nos jours. Mais sa grande spécialité était — si l’on peut dire — la généralité car c’était surtout le droit public général qu’il comprenait en Maître grâce à un savoir inégalable, où il était sans rival, qu’il tirait de sa pratique assidue de l’histoire du droit et de la doctrine privatiste. Peu de publicistes avaient comme lui une culture juridique privatiste aussi étendue, ce qui lui permettait de mieux comprendre le droit public, et notamment le droit administratif.

Il est dommage, hélas !, que sa réticence à publier ses textes ou ses pensées ait rendu sa pensée presque confidentielle. Espérons donc que les nombreux enregistrements de ses conférences permettront à un plus large public de la connaître si, comme on l’espère, leur transcription pouvait déboucher sur la publication d’un recueil de ses textes. Une telle pensée en mouvement a marqué tous ceux qui l’ont entendu dans ses conférences, si remarquables, et tous ses élèves, nombreux, qui ont eu la chance de l’avoir soit comme directeur de thèse, soit comme mentor « officieux » en les préparant au concours d’agrégation. Car ce grand juriste savant était aussi un homme généreux qui a laissé une marque chez les jeunes et moins jeunes générations. Bref, la science française du droit public a perdu un de ses meilleurs esprits et l’Institut Michel Villey un de ses plus grands soutiens, un ami d’une fidélité inébranlable.

Olivier Beaud et Denis Baranger, directeurs de l’Institut Michel Villey